Comme la Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie (CPFM) l’a proposé dans de précédentes éditions, elle fait partager aux lecteurs de Résonance des réponses qu’elle a déjà apportées à ses adhérents, sur différents points ou questions ayant trait aux problématiques du secteur funéraire. Dans ce numéro, nous abordons une question relative aux travaux sur les sépultures dans les cimetières.

 

Laribe Pierre 2015
Pierre Larribe.
CPFM 2016

L’art. L. 2223-13 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) énonce que le concessionnaire peut construire caveau et monument sur l’emplacement qui lui est concédé dans le cimetière communal. Ce droit, prévu par la loi, peut-il être limité ? A priori non. Le Code de l’urbanisme qui encadre les "permis de construire" précise dans son art. 421-2 : "Sont dispensés de toute formalité au titre du présent Code, en raison de leur nature ou de leur très faible importance, sauf lorsqu’ils sont implantés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques ou dans un site classé ou en instance de classement : [...] i) les caveaux et monuments funéraires situés dans l’enceinte d’un cimetière ; [...]."

Le concessionnaire (ou ses ayants droit lorsque celui-ci est décédé) est donc libre de faire construire caveau et monument sur l’emplacement qui lui est concédé sans avoir à solliciter une quelconque autorisation (sauf si le cimetière se trouve implanté dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques ou dans un site classé ou en instance de classement).

Or de nombreux règlements de cimetière prévoient la délivrance d’une "autorisation" de travaux : ces dispositions sont-elles valables ? L’usage de solliciter une autorisation de travaux pour intervenir sur une sépulture résulte souvent d’une mauvaise compréhension des interventions dans l’espace du cimetière, où il est parfois difficile d’identifier dans quelle "sphère" l’on intervient.
Le cimetière est un "espace public", collectif, sous la responsabilité du maire, qui est le garant du maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières (art. L. 2213-9 du CGCT), mais dans lequel on trouve des "biens immobiliers privés" (les caveaux et monuments, qui sont effectivement propriétés privées appartenant au concessionnaire - ou à l’ensemble de ses héritiers lorsqu’il est décédé).
La construction et l’aménagement d’un caveau et d’un monument sont un droit issu de la loi pour le concessionnaire. Instaurer une autorisation pour construire caveau et/ou monument sous-entend que celle-ci pourrait ne pas être accordée, ce qui serait en opposition avec le droit dont dispose le concessionnaire. Les autorisations pour construire caveau ou monument sont donc contestables.
Le maire dispose cependant d’une marge de manœuvre pour "limiter" le droit des concessionnaires. Il peut, depuis 2009, dans le cadre du règlement de cimetière, fixer les dimensions maximales des monuments érigés sur les fosses (art. L. 2223-12-1 du CGCT). Cela lui permet de s’opposer (ou d’imposer la démolition) à une construction dont les dimensions seraient supérieures aux limites fixées dans le règlement du cimetière. Il peut également s’opposer à une inscription (ou la faire effacer ou modifier) gravée sur un monument ou une pierre tumulaire (art. R. 2223-8 du CGCT).
En dehors de ces deux cas de figure prévus par la réglementation, il ne peut valablement s’opposer à l’aménagement de l’emplacement que la commune aura concédé au concessionnaire.
En revanche, le maire étant garant du maintien de l’ordre et de la décence dans le cimetière, il peut instaurer (toujours dans le cadre du règlement de cimetière) l’obligation d’une simple déclaration préalable de travaux en vue d’aménager caveau et/ou monument (ou en vue de l’entretien de ceux-ci). Cette déclaration lui permettra d’identifier les intervenants, et si nécessaire de leur demander des explications ou de les contraindre à respecter les dispositions du règlement du cimetière et à réparer d’éventuels dégâts consécutifs aux interventions.
Il est important de ne pas perdre de vue que ces dispositions concernent principalement le concessionnaire (ou ses héritiers), et secondairement le professionnel missionné par le concessionnaire. En effet, pour nombre de services municipaux, l’interlocuteur semble se limiter à l’opérateur funéraire qui procède aux travaux. Or il faut que les services municipaux ne perdent pas de vue que les spécifications qui sont mises en place s’adressent d’abord au concessionnaire, qui est le "responsable" (le donneur d’ordre) des travaux, et si des manquements sont observés, la municipalité devrait logiquement se retourner vers le donneur d’ordre, qui lui se retournera dans un second temps vers son prestataire.
Il est vrai que, dans la pratique, dans un souci louable de soulager leur client des différentes "lourdeurs" des démarches administratives, les opérateurs funéraires assument les relations directement avec les services municipaux. Ce faisant, ils confortent leurs interlocuteurs dans la perception que c’est bien le professionnel, et seulement lui, qui doit assumer l’initiative des travaux et rendre compte d’éventuels dysfonctionnements.
Il est important, pour le professionnel, de prendre connaissance des dispositions propres au cimetière dans lequel il sera amené à intervenir (il est vrai que la diversité de ces règlements – quand ils existent – peut présenter une charge conséquente) afin d’informer correctement son client des contraintes spécifiques qu’il lui faudra respecter et des éventuels surcoûts qu’elles pourront engendrer.
Il est à retenir qu’un règlement de cimetière, pour être applicable – et opposable aux concessionnaires et à leurs prestataires –, doit faire l’objet d’une publicité. Concrètement, ce règlement doit être affiché au cimetière et à la mairie, et il devrait être communiqué par les services municipaux à toute personne en faisant la demande. Certaines communes le tiennent à disposition du public sur leur site Internet. À défaut, ce règlement n’est pas censé être applicable… 

L’accord du concessionnaire est-il obligatoire préalablement à la réalisation de travaux sur une sépulture ?

Cette notion est souvent source d’ambiguïté. Des communes demandent que le concessionnaire ait formulé explicitement son accord pour les travaux sur la sépulture. Or cet accord ne concerne pas le maire. Le maire est certes garant du bon ordre et de la décence du cimetière, mais il n’a pas vocation à intervenir sur le "bien privé" qu’est le monument (sauf si l’intervention s’avérait de nature à impacter le bon ordre et la décence dans le cimetière – c’est pourquoi le maire doit approuver les inscriptions sur les monuments et pierres tumulaires).
Ainsi, un concessionnaire ne peut pas reprocher à un maire d’avoir "autorisé" (ou laisser faire) des travaux sur sa sépulture sans avoir vérifié l’assentiment du concessionnaire. Pour une première raison, c’est que "l’autorisation de travaux" n’est pas prévue, et pour la seconde raison, que la gestion d’un "bien particulier" est du ressort de son propriétaire.
En revanche, c’est au professionnel de s’assurer que le concessionnaire est d’accord pour les travaux à réaliser sur sa sépulture. Il convient de distinguer deux cas de figure :
- soit les travaux sont consécutifs à une opération autorisée par le maire (inhumation ou exhumation),
- soit les travaux sont consécutifs à une demande indépendante d’une opération mortuaire (gravure, rechampissage, entretien, etc.).

A) Pour des travaux consécutifs à une opération mortuaire autorisée par le maire (inhumation ou exhumation)

Le maire a autorisé une opération après avoir vérifié sa faisabilité (par exemple, l’inhumation d’un descendant du concessionnaire dans la concession familiale, l’exhumation sur la demande du proche parent avec l’accord des autres proches parents du défunt à exhumer...).
Des travaux seront nécessaires pour procéder à l’opération. Le concessionnaire ne pourra pas s’opposer aux travaux nécessaires à la mise en œuvre de l’opération autorisée par le maire (le concessionnaire ne peut pas avoir un pouvoir supérieur à celui du maire). A priori, on peut penser que la personne qui a initié l’opération aura eu la bienséance d’informer le concessionnaire. Le professionnel pourra utilement inviter son client à le faire.

B) Pour des travaux indépendants d’une opération mortuaire (gravure, rechampissage, entretien ou modification du monument…)

Le maire n’a pas d’autorisation à délivrer (dans le cas d’une gravure, il devra cependant donner son approbation). En revanche, le professionnel devra être attentif, dans le cadre de sa relation commerciale avec son client. Soit le client est le concessionnaire, il est donc légitime à commander des travaux sur son bien. Soit le client n’est pas le concessionnaire, et, même s’il s’engage à assumer les frais des travaux, il devrait justifier au professionnel d’avoir l’accord du propriétaire du bien sur lequel les travaux seront réalisés.
Cette situation peut être délicate si le concessionnaire est décédé. En ce cas, ce sont les héritiers du concessionnaire qui sont les propriétaires du monument en indivision. Et le professionnel aura intérêt à vérifier que l’ensemble des héritiers sont d’accord pour la réalisation des travaux envisagés par son client. Et ce, même si le client est un des héritiers ; cela ne le dispense pas d’avoir à justifier de l’accord des autres indivisaires.
Il est à noter que, si un litige devait survenir à l’occasion de ce type de travaux, il relèverait du droit civil. En effet, le contentieux concernera d’une part la personne qui aura commandé les travaux, et d’autre part le concessionnaire (ou ses héritiers). Il est important que le professionnel funéraire identifie bien ces deux notions afin de renseigner correctement son client et de conclure de façon claire le contrat commercial qui va l’engager. Par ailleurs, il sera utile qu’il consacre le temps nécessaire à prendre connaissance des règlements des cimetières dans lequel il sera amené à intervenir, afin de pouvoir renseigner de façon efficace son client.

Pierre Larribe
Juriste de la CPFM

Résonance numéro spécial n° 9 - Décembre 2019

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